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Les sens 

 

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Dans le RER, tous nos sens sont appauvris. Les passagers se retrouvent coupés de l’extérieur pour être dans un univers fade, gris, sale et souvent contraint. La marche au contraire ouvre les sens sur des détails. Ainsi, lors de mon parcours je me suis plongée dans des ambiances différentes qui ont changé ma perception de l’espace.

 

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Le toucher

 

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Je marche doucement et calmement. Je sens le soleil se poser sur mon visage pour réchauffer mon corps. C’est une journée de grande chaleur au mois d’août. Il fait donc chaud et de plus en plus chaud. Me mouvoir librement devient difficile. Mon rythme change, je ralentis un peu pour éviter de trop me fatiguer. Je transpire de plus en plus et je sens les gouttes couler le long de mon corps. Je m’arrête un instant sous les arbres qui me protègent de la chaleur et je sens le vent passer. L’énergie que j’avais perdue revient et me redonne un élan pour continuer à marcher. Avec le Covid-19 et notamment dans les grandes villes comme Paris, il existe une peur de toucher ce qui nous est extérieur. Pourtant, cela nous permet d’appréhender l’espace et de le rendre tangible. Ainsi je parcours les différents territoires et entre en contact grâce au touché de mes pieds avec le sol, la terre. Il y a aussi le mur en pierre que je frôle en passant à côté, et la fleur que je viens cueillir pour la sentir. Toutes ces différences rendent mon voyage enrichissant.

 

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L’ouïe

 

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Il y a le bruit du trafic urbain qui ne me quitte pas. J’entends en continu la circulation au bord des routes et des ronds-points. Le paysage change pour me plonger dans une forêt. Il y a le chant des oiseaux, le bruit du ruisseau, les branches qui craquent et le vent qui passe dans les feuilles. L’ambiance est différente et me déconnecte un instant. Je me sens coupée du monde dans ce calme qui m’apaise. Je me concentre sur tous ces détails qui apparaissent autour de moi. Le bruit de la forêt se mélange rapidement avec le bruit de la circulation à proximité et un avion qui s’envole. Je retourne à la réalité: je suis seule et isolée. Tous mes repères ont disparu et je deviens anxieuse. Je ne vois plus le RER. Pourtant, au bout de quelques minutes je l’entends et il me rassure. Celui-ci devient vite mon fil conducteur et mon lien pendant mon parcours.

 

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Le goût

 

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Contrairement aux autres sens qui étaient plus faciles à analyser, le rôle joué par le goût est difficile à appréhender. Comment est-il possible de « goûter » un territoire ? Ce sens est moins tangible et perceptible, pourtant il reste un facteur important pour rendre compte de l’espace.

Je marche à travers la forêt et je sens dans ma gorge le goût de l’herbe encore fraiche et humide, le bois et son écorce et les feuilles séchées par le soleil. Je peux alors sentir toute forêt dans ma bouche. Je la goûte et la découvre pas à pas. Il y a aussi la terre des champs et le sable des sentiers qui flottent dans le vent et arrive sur mon visage. Ils amènent un goût de poussière terreuse. Ainsi je sens la terre sur lequel je marche et son histoire avec ses différentes couches qui façonnent le paysage.

De la même manière je perçois d’autres espaces plus urbains. Les voitures qui passent à coté et qui amènent un gout particulier et que je trouve répugnant. Le gout du gasoil qui repousse et empêche même parfois de respirer. Je souhaite vite m’en échapper pour retrouver le souvenir de cette douce forêt.

Je me souviens aussi du rapport que j’ai eu à l’eau durant ma marche. Elle renvoie à la terre et me fait constamment revenir à la réalité. Lorsque je suis plongée dans mes pensées, la soif me rappelle que mon corps est très sollicité et que le temps passe. A ce moment, l’eau m’aide à me reprendre de l’énergie pour continuer à marcher.

 

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L’odorat

 

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Je longe une route nationale. Il y a l’odeur de la pollution et du gasoil qui sort des voitures. Je traverse la voie et de l’autre côté du carrefour, il y a des restaurants. Tous placés les uns à côté des autres. Une odeur de friture et de beurre fondu se dégage des kebabs, des boulangeries, des pizzerias… Cela fait 3 heures que je marche et ils me donnent faim. Je remarque donc que, lors de ma marche, certaines odeurs me répugnent et me font changer d’itinéraire ou au contraire me donnent envie de rester et de m’asseoir un instant pour profiter de ce temps. J’observe alors quelques minutes le calme de la forêt et les odeurs qui viennent des arbres, des fleurs, ou encore de la pluie sur les feuilles.

 

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